Olivier Lovey

Go West, 2022

Emplacement 1

Concept

L’amendement à la Loi Atomique de 2011 a fixé le calendrier de sortie du nucléaire en Allemagne : huit des dix-sept centrales ont été arrêtées définitivement cette même année, et la fermeture des neuf restantes s’est échelonnée jusqu’à la fin de 2022. Pour compenser cette perte de production énergétique, le pays a eu massivement recours au charbon. Il faut savoir qu’une centrale à charbon émet environ 1 000 g de CO₂ par kWh, contre seulement 6 g pour une centrale nucléaire. Avec la guerre en Ukraine et les embargos sur le gaz russe, cette dépendance au charbon s’est encore renforcée. Le monde semble avoir toutes les peines à répondre efficacement à la crise écologique.

L’Allemagne est aujourd’hui le plus gros émetteur de CO₂ d’Europe. La centrale de Neurath, composée de sept unités, est la deuxième source de pollution du continent, avec 32,2 mégatonnes de CO₂ émises chaque année. En troisième position figure la centrale de Niederaussem (25,9 mégatonnes), et en cinquième, celle de Weisweiler (16,8 mégatonnes). Toutes trois sont situées en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Je m’y suis rendu début 2022 pour les photographier.

Mon intention était de transformer cette réalité brutale en une forme de poésie visuelle, en utilisant le médium photographique. J’ai documenté ces centrales à travers un procédé ancien : la trichromie. La rencontre entre cette technique obsolète et l’ultramodernité industrielle des sites crée une étrange intemporalité.

La trichromie, historiquement, permettait de produire les premières images en couleur à partir de trois prises de vue en noir et blanc filtrées respectivement en rouge, vert et bleu. L’image couleur naît ensuite de leur superposition. Comme les clichés ne sont pas pris simultanément, chaque déplacement du sujet – ici, les panaches de fumée – génère des décalages colorés et des teintes irréelles. La fumée devient ainsi un arc-en-ciel toxique. De ce contraste naît une tension : les images, séduisantes et presque merveilleuses, révèlent pourtant une réalité profondément anxiogène. Les couleurs vives évoquent autant la beauté de la lumière que l’acidité de la pollution.

 

 

Présentation

Né en 1981 à Martigny, Olivier Lovey a obtenu une maîtrise en psychologie à l’Université de Fribourg en 2006 avant de se tourner vers le domaine de la photographie. Entre 2008 et 2009, il a étudié à l’École Cantonale d’Art du Valais (ECAV) avant de s’inscrire à l’École des Arts Appliqués de Vevey (CEPV), où il a obtenu son diplôme de formation avancée en photographie en 2011. Son travail a été exposé, entre autres, lors du Prix Photoforum 2012, de la Sélection / Auswahl de 2014 à Bienne, du Prix Voies-Off à Arles en 2013, du 18e Prix Jeune VFG de la Photographie en 2014, et aux Boutographies de Montpellier où il a reçu le Prix Réponses Photo en 2015. Il a résidé de juillet à décembre 2014 à la résidence de la Fondation suisse de la Cité internationale de Paris. En 2018, il a remporté le premier prix du Swiss Photo Award dans la catégorie des Beaux-Arts avec sa série «Miroirs aux alouettes».